Récemment élu Président de Cooperatives Europe, Giuseppe Guerini apporte une voix forte et éclairée à la conversation coopérative mondiale. Dans cette entrevue exclusive, il partage sa vision de la confiance comme force transformatrice, le rôle des coopératives dans un paysage géopolitique et économique en mutation, et pourquoi des plateformes internationales comme le Global Innovation Coop Summit sont aujourd’hui plus essentielles que jamais. De la collaboration de terrain à l’innovation numérique, Guerini explore comment les coopératives peuvent bâtir des partenariats solides et avoir un impact mondial, tout en restant profondément ancrées dans leurs communautés.
1 Global Innovation Coop Summit (GICS) : Qu’est-ce qui vous a motivé à participer au GICS 2025 en tant que panéliste et animateur d’atelier ?
Giuseppe Guerini (GG) : Les raisons sont multiples, à commencer par la plus simple : on me l’a proposé et j’ai accepté, car le GICS est un contexte très stimulant pour ceux qui, comme moi, vivent les coopératives de manière globale et engagée. Intervenir comme conférencier permet d’apporter du contenu et de la représentativité en tant que président de Cooperatives Europe, tandis qu’animer des panels offre l’opportunité d’apprendre des autres intervenants. Cela oblige à une participation active à l’expérience du forum, qui devient ainsi véritablement coopérative, et non une conférence de plus où les intervenants arrivent, parlent, puis repartent.
2 GICS : Pourquoi est-il important que les coopératives européennes participent à des événements mondiaux comme le GICS ?
GG : Être connecté au monde est essentiel — encore plus aujourd’hui, alors que le nationalisme réapparaît sur la scène politique et que les multinationales du capitalisme financiarisé et numérique envahissent tous les espaces de marché, uniformisant les offres dans un consumérisme déshumanisé. Dans ce contexte, les coopératives doivent aspirer à devenir les « multinationales » de l’humanisme et de la solidarité.
L’internationalisme du mouvement coopératif est évident depuis ses débuts : quelques années à peine après la création de la première coopérative, l’ACI fut fondée en 1895.
Aujourd’hui encore, les coopératives européennes, en s’ouvrant au monde, peuvent échanger et faire grandir la culture coopérative, les savoirs et la conscience du mouvement.
La valeur ajoutée du GICS réside justement dans son focus sur l’innovation. Identifier les idées fertiles, les graines du changement et de la transformation est crucial pour toute entreprise — encore plus pour les coopératives, car ici, l’innovation est centrée sur l’humain et doit être nourrie par des processus participatifs à forte dimension relationnelle.
Si le capitalisme s’est défini par la « destruction créatrice » fondée sur l’accumulation de capital, le modèle coopératif s’appuie, lui, sur une créativité générative, fondée sur les personnes. C’est pourquoi le développement culturel et les relations sont si importants. Et le GICS est avant tout un lieu de rencontres.
3 GICS : La session « Bâtir la confiance ensemble » explore comment les coopératives peuvent élargir leur impact mondial tout en restant enracinées localement. Que cela signifie-t-il pour vous aujourd’hui ?
GG : La confiance est une valeur fondamentale, précieuse et fragile. La cultiver est indispensable à la vie sociale comme aux relations économiques. Construire la confiance exige des relations directes, de la réputation, ou encore des « tiers de confiance » capables de garantir la fiabilité d’une transaction. Aujourd’hui, cette fonction est souvent remplie par des plateformes numériques ou des technologies de registre distribué (DLT).
Or, les coopératives possèdent des caractéristiques intrinsèquement proches de ces plateformes (elles créent des réseaux relationnels) et des DLT (elles créent des chaînes de confiance diffusées).
Combiner les potentialités de la numérisation avec celles des coopératives permet d’imaginer un système global qui conserve de fortes racines territoriales. En d’autres termes, cela permet de penser localement tout en agissant globalement. C’est là que notre potentiel d’innovation doit s’exprimer pleinement.
4 GICS : Dans votre atelier « Nouer des partenariats coopératifs internationaux à fort impact », vous explorez des stratégies concrètes. Pouvez-vous citer une ou deux initiatives inspirantes qui démontrent la valeur de la coopération internationale ?
GG : Le simple fait que les coopératives continuent d’exister et d’opérer dans un monde qui a récompensé un capitalisme débridé est déjà une preuve de leur impact positif : elles continuent de démontrer qu’une économie centrée sur l’humain reste possible.
J’espère que d’autres expériences émergeront de ce panel, mais parmi celles que j’ai observées, je citerais deux exemples marquants : le réseau européen RESCOOP, qui contribue de manière remarquable à la diffusion des coopératives de production d’énergie renouvelable, et le Consortium Platform Cooperativismo, qui mobilise de nombreux jeunes autour de l’idée d’allier coopératives et nouvelles technologies. Mais je suis convaincu qu’en explorant ce qui se fait sur les cinq continents, nous découvrirons bien d’autres initiatives porteuses d’avenir.
5 GICS : Qu’aimeriez-vous que les participants retiennent de votre contribution au GICS 2025 ?
GG : Une meilleure connaissance mutuelle, de bonnes idées, un regain de confiance dans le mouvement coopératif, des étincelles de créativité, et une énergie nouvelle pour faire germer les graines de l’innovation.