Entretien avec J.Benoit Caron

J.Benoit Caron

« J’espère que le GICS contribuera à redonner au mouvement coopératif l’audace d’imaginer grand. »

J. Benoit Caron est un leader reconnu du mouvement coopératif québécois, cumulant près de 35 ans d’expérience en développement d’organisations, dont 30 en coopération. Fondateur et directeur général du Consortium de coopération des entreprises collectives, il joue un rôle central dans l’écosystème grâce à son expertise en création, redressement et mutualisation de services. Il dirige également le Réseau de coopération des EÉSAD, un acteur clé du soutien à domicile au Québec. Reconnue personnalité de confiance par l’ICO et Ipsos, il siège à plusieurs conseils d’administration d’envergure.

Par l’intermédiaire du Consortium, il a contribué à la création du Réseau d’innovation coopérative international (RICI), qu’il accompagne depuis, et participera comme panéliste au Global Innovation Coop Summit 2025 au Portugal.

Nous avons eu le privilège de recueillir ses réflexions dans le cadre d’un entretien, où il a généreusement pris le temps de revenir sur son parcours, sa vision de la coopération, et les ambitions qu’il porte pour le mouvement, notamment à l’approche du GICS 2025.

1. Comment es-tu entré dans le mouvement coopératif, et qu’est-ce qui t’a motivé à y rester?

J’ai toujours eu ce désir profond de soutenir des organisations qui ont un impact concret dans leur milieu. C’est par mes expériences en gestion et en accompagnement d’entreprises, notamment au sein d’une Coopérative de développement régional (CDR), que j’ai découvert toute la richesse des dynamiques collectives — et surtout le pouvoir d’agir que la coopération offre à chaque personne. On ne subit plus les décisions : on y prend part. Cette capacité qu’a le modèle coopératif à responsabiliser et à donner du pouvoir réel à ses membres, c’est ce qui m’a profondément marqué.

Ce parcours m’a mené, en 2000, à la direction générale de la Confédération québécoise des coopératives d’habitation (CQCH), un moment charnière où je me suis pleinement immergé dans le mouvement coopératif. Ce que j’y ai trouvé m’a convaincu d’y rester : une économie centrée sur l’humain, une gouvernance démocratique qui responsabilise, et un modèle durable pour répondre à des besoins bien réels. Depuis, mon engagement n’a jamais fléchi. Pour moi, la coopération, c’est une manière concrète de bâtir autrement — et collectivement.

2. Qu’est-ce qui t’a poussé à créer le Consortium, et quelle était ta vision initiale pour la coopérative?

Le Consortium est né d’un besoin bien réel exprimé par plusieurs fédérations et réseaux coopératifs que j’accompagnais à l’époque : accéder à des services spécialisés — livrés par des professionnels qui comprennent vraiment la réalité des entreprises collectives — à un coût juste et adapté.

C’est à partir de là que nous avons lancé, en 2011, un premier centre de services partagés. Aujourd’hui, il est devenu une coopérative solide, détenue collectivement par près de 300 réseaux, coopératives et OBNL du Québec. Ma vision était — et demeure — de mutualiser les ressources pour permettre à chaque entreprise collective, peu importe sa taille ou son secteur, de croître, de se professionnaliser et de mieux remplir sa mission sociale.

On parle ici de services juridiques, comptables, en gestion, communication, ressources humaines, livrés par des experts qui parlent le même langage que nos membres. Le Consortium, c’est un accélérateur de capacités — un outil collectif pour bâtir plus fort, ensemble.

3. Comment le RICI s’inscrit-il dans cette vision aujourd’hui?

Le Réseau d’innovation coopérative international (RICI), qui chapeaute le GICS, est une extension naturelle de cette logique de mutualisation — mais à l’échelle internationale. Le Consortium a eu le privilège d’accompagner le RICI dès sa création et en est le fournisseur officiel de services depuis ses débuts.

Pour nous, c’est une façon concrète de faire rayonner le modèle québécois d’intercoopération, de soutenir l’émergence d’initiatives similaires ailleurs dans le monde… et d’apprendre en retour. Le RICI incarne cette conviction que la coopération ne doit pas se limiter à nos frontières. Au contraire, elle se nourrit des échanges, de l’ambition collective et du partage entre écosystèmes.

4. Quelle place vois-tu pour des événements comme le GICS dans l’évolution du mouvement coopératif?

La coopération repose d’abord sur les liens humains. Des événements comme le Global Innovation Coop Summit sont essentiels pour créer ces liens, briser les silos, confronter nos perspectives et découvrir des approches inspirantes venues d’ailleurs. Ce sont des moments privilégiés pour faire émerger de nouveaux partenariats, des projets communs — parfois même de véritables transformations systémiques.

Mais il ne faut pas que ces événements restent de simples parenthèses. C’est à nous, participantes et participants, de transformer les rencontres en actions, les idées en structures pérennes, et les élans en coopérations concrètes.

5. Qu’espères-tu que le GICS puisse inspirer ou déclencher au sein du mouvement coopératif?

J’espère que le GICS contribuera à redonner au mouvement coopératif l’audace d’imaginer grand. On a parfois tendance à penser petit, à se contenter d’un rôle périphérique dans l’économie. Or, la coopération peut — et doit — être au cœur des grandes transitions de notre époque : qu’il s’agisse de justice sociale, de transition écologique, d’intelligence artificielle, de souveraineté économique ou de services aux populations.

J’espère aussi que le GICS encouragera d’autres écosystèmes à faire comme nous l’avons fait au Québec : mutualiser les forces, coopérer entre coopératives, structurer nos ressources pour décupler notre impact. Et surtout, que chaque participante et chaque participant reparte avec une idée, une rencontre, une étincelle qui lui donne envie — comme nous au Consortium — de bâtir autrement. Et ensemble.

À l’image de son parcours, les propos de J. Benoit Caron nous rappellent que la coopération, lorsqu’elle est portée avec conviction, peut transformer des défis collectifs en leviers de changement durable. Alors que le GICS 2025 s’annonce comme un moment clé pour le mouvement coopératif mondial, son appel à « redonner au mouvement l’audace d’imaginer grand » résonne avec force. Une invitation à sortir des sentiers battus, à penser en réseau et à agir ensemble, pour faire de la coopération un véritable moteur de transition.

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